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Voici le témoignage qu’Agnès H., patiente à Saint Louis, a bien voulu nous confier :

La préparation

Quand on vous annonce qu’il va falloir faire une greffe de moelle osseuse, prenez-le comme une grande chance. La médecine a progressé et c’est une greffe qui marche. Faites entièrement confiance à votre hématologue et préparez-vous. Reposez-vous et n’essayez pas de tout retenir et comprendre mais posez toutes les questions que vous avez en tête. N’hésitez pas à les poser plusieurs fois, pour dédramatiser tout ce que vous croyez entendre…

Soyez toujours accompagné d’une personne proche, qui entendra différemment (ce qui permet de relativiser notre compréhension de ce qui va arriver) mais qui pourra aussi répondre à vos questions.
N’hésitez pas à en parler de façon naturelle à vos amis, même si ils ne comprennent pas tout ce qui va se passer,…mais ça fait du bien d’extérioriser, minimiser. N’hésitez pas à voir un psychiatre pour vous préparer (je l’ai sollicité pour me préparer mais aussi car j’ai un fils de 12 ans et souhaitait être guidée dans ma communication envers lui avec les bons mots (maladie sérieuse, nécessitant une longue absence, provoquant une grande fatigue, des changements…) et ce en temps et en heure ou la psychologue du service des greffes. Elle nous connait et sait nous tranquilliser. La greffe de moelle est une technique très codifiée. Visitez la chambre stérile et si besoin plusieurs fois. Je suis claustrophobe et nous l’avons gérer ensemble avec la psychologue. Préparez des photos de vos proches, posters de paysage pour vous appropriez votre chambre. Ne pensez pas au temps que vous allez y passer (Les médecins vous le diront pendant votre hospitalisation). Essayez d’arranger votre chambre à votre goût. Pour les vêtements à apporter pour votre hospitalisation, n’hésitez pas à prendre des couleurs vives. Ça donne le moral. Si vous avez les cheveux longs, n’hésitez pas à les faire couper courts avant d’être hospitalisé. Prenez-le comme une opportunité de voir à quoi vous ressemblez avec les cheveux courts sans prendre de risque car ils repousseront. Il vaut mieux avoir des cheveux courts qui tombent sur l’oreiller mais de toute manière, il est souhaitable de les tondre quelques jours après la chimiothérapie, car on a mal aux cheveux. Mon donneur est ma sœur aînée qui a vraiment très bien gérée sa préparation, avec tous les papiers administratifs et les examens à faire en temps et en heure. Peut-être que votre donneur peut avoir besoin d’aide car c’est une vraie organisation. La seule chose à laquelle j’ai essayé de ne pas penser, est qu’il puisse lui arriver quelques choses avant la greffe… et qu’elle ne se réveille pas pour le grand jour.

Dans la chambre stérile, une tablette est l’outil le plus pratique pour avoir accès à vos magazines, vos livres, de façon stérile. Ayez un téléphone portable pour communiquez avec l’extérieur. Pour ma part, j’ai aimé recevoir des SMS, des emails que je pouvais gérer à ma convenance mais peu les coups de fils et je n’ai pas lu grand-chose. La ciclosporine avait inversé ma vue. Alors que j’ai besoin de lunettes pour lire, je n’en avais plus besoin, mais je voyais trouble à distance donc problématique pour la télévision (c’est réversible)…Essayez de venir avec un lecteur de DVD avec des films légers. Cela permet de raccourcir des après-midis longs de chimiothérapies. Ensuite, votre tête est ailleurs…et vous passez en mode passif. Il faut se reposer. Ne refuser pas les tranquillisants. Vous pouvez écouter de la musique ce que je n’ai pas fait, n’en éprouvant pas le besoin, mais je pense que cela aurait été une bonne chose pour minimiser tout ce bruit dans la chambre. (Le flux d’air, les seringues à la pompe…). N’oubliez pas vos boules Quies et vos caches-yeux, car il y a toujours du bruit et de la lumière .Et forcément on vient prendre les constantes au moment où vous vous êtes juste assoupie ou que l’on vient dans la chambre contigüe à la vôtre. Soyez accompagné tous les jours si possible de votre personne de confiance. C’est une aventure qui se vit mieux à deux et qui permet d’être rassurée même pour des broutilles. Il faut extérioriser. Les infirmières sont d’une grande aide pour vous rassurer avec des mots simples et elles connaissent vraiment leur métier. Elles sont toujours à votre écoute. Quand je suis rentrée dans la chambre stérile, j’avais l’impression qu’il m’était interdit d’en sortir…En fait, vous allez en sortir pour qu’on vous pose le cathéter ou d’autres examens si besoin en dehors de l’aplasie. Prenez-le comme une petite balade dans l’hôpital…. Ce cathéter vous simplifiera la vie dans la chambre, un petit fil qui vous évitera d’être piquer. J’avais une forte appréhension du cathéter car je craignais de souffrir à la pose. Allez-y détendu car on ne sent uniquement que la piqure de l’anesthésie locale. En revanche, je ne comprends pas le mécanisme du cathéter (ou ne le veux pas !). N’essayez pas, c’est plus anxiogène qu’autre chose. Considérez le cathéter comme un partenaire. Une fois la chimiothérapie passée (vous ne sentez vraiment rien, vous pourrez avoir des vomissements et des diarrhées, mais on le sait et ce n’est pas de la douleur), vous pouvez être transfusé en globules rouges, et / ou en plaquettes. On ne sent toujours aucune douleur. On vous apportera la fameuse poche de cellules souches de votre donneur. Pour moi, cela a été comme une transfusion mais avec une poche rose cette fois. Je n’ai pas ressenti le besoin de garder cette poche ou de la coller à la fenêtre de la chambre, mais on peut être différent dans ce genre de don.

Puis vos journées sont rythmées par les visites des médecins, des infirmières (le jeu était de retenir leur prénom et leur visage malgré leur masque et leur rotation. Je n’ai pas toujours réussie ! Mais je souviendrai toujours de l’infirmière qui m’a fait la greffe et de celles qui ont passé beaucoup de temps à me rassurer et détendre), les résultats de vos analyses, la prise des constantes. Je notais le nombre de blancs, plaquettes, rouges, ma tension, les constantes et les relisais dans la journée en en parlant avec mon mari. J’essayais de comprendre les traitements que l’on m’injectait mais je ne suis pas sûre qu’au début cela soit utile. Cela l’est, lorsque vous êtes sortie d’aplasie et que l’on passe aux traitements oraux. Il y en a tellement que cela permet de structurer ses prises lorsque vous rentrez chez vous. Lorsque vous sortez d’aplasie, les visites par deux sont permises. N’hésitez pas à demander à votre partenaire, d’organiser les visites, un peu mais pas trop et pas plus d’une heure. Le programme Doodle est très pratique pour vos amis afin qu’il réserve un créneau de visites et que vous n’ayez pas plusieurs personnes à la fois. Mon mari avait proposé 2 ou 3 créneaux de visites d’une heure. Le mieux ont été les horaires 14h-15h et 18h-19h mais certains jours j’ai été obligée de les annuler. Ce n’est pas grave, tout le monde comprend et est là pour que vous alliez bien. Pendant les visites, essayez de ne pas trop parler de votre hospitalisation, de votre maladie, afin de vous ressourcer, d’oublier votre situation et rire un peu. Cela fait du bien d’entendre la vie à l’extérieur et des choses futiles. Si vous le pouvez, faites-vous livrer des plats surgelés à l’hôpital, en respectant la chaîne du froid. Déjà qu’on n’a pas beaucoup faim, les plats de l’hôpital hyper cuits sont difficiles à avaler. Même chez moi à mon retour, j’ai continué les plats surgelés chauffés à la température indiquée, pour ne prendre aucun risque et ils ne sont vraiment pas mauvais. Ne pensez pas à des dates de sortie. Les protocoles sont bien établis et vous ne pourrez qu’être déçu. Laisser les médecins vous le confirmer.

La sortie
Vous êtes sortie d’aplasie et la greffe marche. Les traitements injectables ont été remplacés par les traitements oraux. Essayez de mémoriser dans les flacons apportés par l’infirmière (flacon du matin, du midi et du soir) les différents traitements à prendre. N’hésitez pas à écrire les noms des médicaments sur un document à vous qui sera votre référence à l’avenir. Gardez toujours ces 3 flacons comme modèle et n’oubliez pas de sortir avec un pilulier. Une fois rentrée à la maison, je préparais après mon petit déjeuner le pilulier du midi, du soir et du lendemain matin. Il y a tellement de comprimés à prendre qu’il faut prendre le temps tous les jours de les préparer et ne rien oublier (sirop, comprimés, sachets…). Essayez de voir le bon moment de la prise de certains médicaments. La cyclosporine, le Fonsidar sont plus supportables après la prise de nourriture. Le succès de la greffe vient aussi du suivi scrupuleux de la prescription de votre hématologue. L’observance est primordiale. Lorsque vous sortez, vous avez l’impression de partir dans un autre monde tellement il y a de recommandations de sortie : on vous demande de vous observer dans tous les sens ! La température, la tension, les diarrhées, des plaques sur votre peau, faire attention à la poussière (mais il y en a partout) de ne pas toucher la terre, enlever les plantes, de manger cuits, de prendre des produits à l’unité…lisez plusieurs fois le classeur du greffé que l’on vous remet à la sortie, suivez les recommandations et en particulier et les documents de diététique pour bien les avoir en tête. Faites-vous aider autant que possible car c’est la panique. Déjà que vous sortez d’une chambre close où vous ne craigniez rien et sans notion de temps, vous vous retrouvez chez vous un peu seule, avec bonheur mais angoissé. La première semaine de ma sortie, avant de retourner à l’hôpital de jour où vous vous rendrez chaque semaine, j’ai complètement déprimé, craignant tout, surtout que vous avez toujours le cathéter et que les recommandations d’hygiène sont strictes. D’un tempérament plutôt positif, je voyais tout en noir. Mon mari et l’infirmière de l’hôpital de jour, m’ont un peu secouée et m’ont demandé de ne penser qu’ à moi, me reposer, être prudente, manger cuit, mettre le masque lors des visites, faire attention à ne pas mouiller le cathéter pour qu’il ne soit changer qu’en hôpital de jour (c’est beaucoup plus simple) et laisser tout le reste entre les mains du corps médical, tout en étant bien sûr très vigilante et patiente. Je me suis bien sûre surveillée (température, tension, traitements jamais oubliés, picard pour les repas, toujours un masque à chaque visite à la maison,..).

J’ai reçu chaque semaine l’appel de l’infirmière coordinatrice des greffes qui permet de parler librement de ce qui se passe en dehors de l’hôpital et minimiser les contraintes du suivi. Chaque semaine, j’étais rassurée de retourner à l’hôpital de jour même si à chaque fois on craint le taux d’hémoglobine qui décidera d’une transfusion ou non mais cela fait partie du suivi. Dès ma sortie de l’hôpital, j’ai organisé la venue d’un kinésithérapeute pour une demi-heure, 3 fois par semaine. Au début, vous êtes essoufflée, fatiguée mais vous verrez des progrès au fil des semaines qui participent à votre remise en forme et à votre bon moral. Parfois ce sont les médicaments qui essoufflent. Ne vous inquiétez pas, cela passera. De même, la visite à domicile, chaque semaine de l’infirmière pour une prise de sang est rassurante et prévient de ce qu’il pourrait se passer à l’hôpital de jour, même si les résultats d’hémoglobine sont beaucoup plus haut en laboratoire de ville qu’à l’hôpital (les prélèvements étant faits au niveau du cathéter.)Bien sûr, l’hôpital de jour et tout le savoir-faire des médecins, des infirmières toujours à votre écoute permet de relativiser le suivi de la greffe et les événements collatéraux: la fameuse GvH (graft vs Host) avec son évolution, ses traitements supplémentaires, mais tout est codifié et connu. Il faut faire confiance et se reposer. Une petite sieste n’a jamais fait de mal, bien que ce soit quelque chose que je n’aimais pas faire avant. Plus les jours passent, plus vous vous rapprochez des fameux 100 jours, où de nouveau vous vivrez une nouvelle délivrance. Plus de masque, plus de cathéter et plus de liberté pour manger, une vie un peu plus normale, mais toujours avec vigilance, prudence et patience. Vous êtes un patient, il faut donc être patient. Et laisser vous porter par votre hématologue. Il orchestre tout votre suivi parmi les différents spécialistes que vous serez amené à rencontrer (gynécologue, dermatologue, pneumologue, ophtalmologiste, stomatologue, dentiste…) prenez le comme un petit voyage à l’hôpital où on s’occupe de vous et où vous pouvez échanger avec des professionnels qui connaissent votre parcours.

Aujourd’hui, je fête les 7 mois post-greffe. Je vais bien, je gère une GVH cutanée active qui a nécessité une réinitialisation de fortes doses de corticoïdes et des effets secondaires tardifs dus à la chimiothérapie. Mais ma formule sanguine est normale, mon taux d’hémoglobine si bas pendant des années qui m’empêchait de vivre normalement (pas de sport, essoufflement…) est normal et je continue ma kinésithérapie toujours de façon de plus en plus dynamique.
Mes cheveux repoussent doucement. Je n’ai pas pu m’habituer à la perruque que j’avais préparée avant mon hospitalisation, même après l’avoir fait recouper. Je ne me reconnais pas. Je mets donc des foulards qui finalement me donne un autre style et permet de minimiser le gonflement des joues dû aux corticoïdes. Ma famille continue à m’entourer très fortement, je rencontre beaucoup d’amis et des collègues, car je compte reprendre mon travail dans 5 mois si tout continue tranquillement dans le bon sens. Je m’organise des déjeuners, je vais au cinéma aux heures creuses, je lis (même si il y a des périodes où je lis moins car je suis moins en forme ou concentrée) et j’essaye de m’écouter.
La greffe est une grande chance qu’il ne faut pas rater et même si elle est très codifiée, il faut mettre toutes les chances de son côté et ne pas hésiter à se faire aider. Bien sûr ce n’est que la vision d’une femme de 51 ans, active, mariée, mère d’un petit garçon de 12 ans, qui sait que la greffe était la seule solution pour continuer à vivre. Bonne continuation !

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