GREFFON

Le docteur Marie Robin, hématologue au service hématologie-greffe à l’hôpital Saint Louis, est amenée à travailler pendant un an dans le service d’hématologie du célèbre King’s College de Londres. Ce centre est dirigé par le professeur Mufti, expert mondialement connu dans le domaine de la greffe de moelle osseuse et des syndromes myélodysplasiques.

Quelques mots sur les syndromes myélodysplasiques
On pourrait presque parler de plusieurs maladies en une tant son expression est diverse. C’est une pathologie maligne de la moelle osseuse qui affecte les cellules souches myéloïdes à l’origine de la production des globules rouges, globules blancs et plaquettes. Elle se traduit par une accumulation de blastes anormaux qui empêche la moelle osseuse de produire suffisamment de cellules sanguines. Ce déficit touche tantôt les globules rouges, tantôt les globules blancs, tantôt les plaquettes. Au stade plus évolué, les 3 lignées cellulaires peuvent être amenées à diminuer.
L’évolution de la maladie
L’évolution de la maladie varie suivant les individus. Elle dépend des caractéristiques identifiées au moment du diagnostic. Elle rentre dans des classifications dont la plus utilisée (le score pronostic international (IPSS) permet d’évaluer la sévérité de la maladie et son risque d’évolution. Sont pris en compte le pourcentage de blastes, la nature et le nombre d’anomalies cytogénétiques retrouvées dans les chromosomes et le nombre de cytopénies (déficit de cellules sanguines). Cette classification permet de distinguer des patients à plus ou moins faible évolution de ceux au contraire dont la progression peut se transformer en (LAM). Certaines mutations de mauvais pronostics sont susceptibles en effet, de faire évoluer la maladie vers la leucémie.
Le projet du docteur Marie Robin
La mission de recherche du Dr Robin consistera à étudier l’impact de ces mutations délétères sur le risque de rechute après la greffe. Il a été récemment rapporté que certaines cellules de la moelle osseuse de patients atteints de syndromes myélodysplasiques avaient acquis des mutations dont certaines sont de mauvais pronostics mais il existe aujourd’hui très peu de données pour mesurer l’influence de ces mutations sur les patients greffés. Cette information est importante car si nous pouvons démontrer le risque de rechute chez ces patients en post-greffe, il nous faudra par la suite modifier notre stratégie thérapeutique en limitant ce risque grâce à des chimiothérapies ou bien en stimulant l’effet du greffon contre l’hôte.
Les risques de rechute en post-greffe des patients atteints de syndromes myélodysplasiques
Les facteurs influençant les survies en post-greffe sont les comorbidités, une cytogénétique défavorable, un excès de blastes à plus de 5% au moment de la greffe. D’après certaines études les greffes réalisées avec des sangs de cordon et avec des donneurs présentant une incompatibilité HLA semblent peser défavorablement sur la survie post-greffe, alors que celles qui sont faites avec des donneurs compatibles 10/10 ont de meilleurs résultats. En l’absence de ces facteurs péjoratifs, la survie sans rechute est habituellement supérieure à 70%. Les risques de rechute post-greffe sont d’environ 30% essentiellement influencés par la cytogénétique.
Les objectifs
Le premier volet de cette étude consistera à analyser l’impact des mutations somatiques des patients atteints de myélodysplasie sur les taux de rechute post-greffe. Cette recherche sera réalisée sur une cohorte constituée de 150 patients avec un diagnostic de myélodysplasie, allogreffés à l’hôpital Saint-Louis entre le 01/01/2000 et le 31/12/2014 ainsi que 20 malades allogreffés entre 01/04/2015 et le 01/04/2016 pour lesquels des analyses et mesures séquentielles en post-greffe pourront être réalisées.
Concernant l’analyse des marqueurs moléculaires en post-greffe, ils seront détectés lors de myélogrammes effectués dans le cadre d’une surveillance de routine entre le J+60 et le J+90 et nous testerons la prédiction d’une rechute survenant la première année post-greffe. Ces analyses seront faites prospectivement sur 12 mois et rétrospectivement sur les patients ayant du matériel congelé (cellules, ADN, ARN). Les marqueurs moléculaires pré-greffe seront analysés sur le matériel congelé et l’influence des mutations somatiques sur les risques de rechute à 12 mois de l’allogreffe sera testée.
L’étude portera en pré-greffe sur la valeur pronostique des marqueurs moléculaires réputés de mauvais pronostics (TP53, ASXL1, RUNX1, EZH2, ETV6) aux risques de rechute à 12 mois après la greffe. Pour mesurer comme il se doit l’impact potentiel de ces marqueurs, il est nécessaire de prendre en compte des variables qui peuvent moduler et nuancer leur influence sur le risque à savoir : l’âge, le sexe, le CMV , une blastose médullaire, le conditionnement , la cytopénie, le type de greffon, etc.). En outre, des données cliniques biologiques complètes et précises permettront d’analyser, après ajustement à toutes ces variables, l’influence des mutations somatiques. Un programme quantifiera l’impact de ces variables sur les risques ou non de rechute.
Le second volet de l’étude consistera à vérifier si certains marqueurs moléculaires peuvent être utilisés comme suivi d’une maladie résiduelle post-greffe. Si c’est le cas, la maladie résiduelle (MRD) devient alors un outil de prédiction de la rechute. Actuellement, le suivi d’une MRD en post-greffe n’a pas encore été étudié dans le cas de la myélodysplasie. Mais si des marqueurs sont identifiés en pré-greffe, la maladie résiduelle pourrait ainsi être surveillée en post-greffe car probablement prédictive de la rechute. Une MRD en post-greffe impliquerait des interventions médicales anticipées et adaptées pour éviter la rechute. Les suivis des MRD dans les myélodysplasies ont fait l’objet de publications. Ainsi une équipe coréenne a fait état sur 82 patients d’une surexpression du marqueur WT1 après l’allogreffe. Le taux de rechute en cas de marqueur positif était de 47% contre 7% si le marqueur était négatif. Malheureusement, la surexpression de WT1 ne représente qu’une minorité de patients.
L’analyse génétique
Le séquençage haut débit permettra de tester rapidement un nombre important de gènes pour un coût raisonnable. Pour ce projet, l’analyse mutationnelle portera sur un panel de 25 gènes connus pour être mutés de manière récurrente dans les syndromes de myélodysplasie. Leur analyse aboutira peut-être à détecter des mutations de mauvais pronostic.
La participation d’EGMOS
Le service de Trèfle 3 souhaiterait nous associer à ces recherches pour une participation de 15.000 euros. Le Dr Marie Robin est la grande spécialiste du syndrome myélodysplasique et il ne fait pas de doute que les études qu’elle va entreprendre pourraient améliorer le sort des patients affectés par cette pathologie. C’est la raison pour laquelle EGMOS a décidé de soutenir à hauteur de 15.000 les recherches que va conduire le Dr Marie Robin.
Gilbert Bodier