L’engagement d’une patiente greffée dans l’évaluation de la MRD
Le vendredi 13 juin 2025, Anne-Pierre Pickaert, bénévole d’EGMOS, a participé en tant qu’intervenante au symposium conjoint EHA-EMA, organisé dans le cadre du congrès annuel de l’European Hematology Association (EHA) à Madrid.
Ce symposium, coorganisé avec l’Agence européenne des médicaments (EMA), portait sur la place de la maladie résiduelle mesurable (measurable residual disease en anglais ou MRD) dans les décisions cliniques et réglementaires. En clair : comment ce marqueur de la maladie peut aider à orienter les traitements et les autorisations de mise sur le marché de nouveaux médicaments. Aux côtés d’un clinicien, d’une chercheuse et d’un régulateur européen, Anne-Pierre a pu porter la voix des patients greffés et des personnes touchées par une leucémie aiguë.
Mais d’abord, c’est quoi la MRD ?
Au cours du traitement contre la leucémie aiguë, l’équipe médicale a recours à des outils très sensibles capables de détecter un nombre infime de cellules cancéreuses encore présentes dans le corps, même lorsque les examens standards ne montrent plus aucune trace de la maladie. C’est ce qu’on appelle la maladie résiduelle mesurable, ou MRD.
Lorsque la quantité de cellules détectées dépasse un certain seuil, on parle de MRD positive : cela signifie que la maladie pourrait revenir. Si la quantité reste en dessous de ce seuil, on parle alors de MRD négative. C’est un bon signe, même si cela ne garantit pas totalement l’absence de rechute.
En résumé, la MRD est devenue un indicateur précieux : elle permet d’évaluer l’efficacité du traitement, d’anticiper les risques de rechute, et peut aussi conditionner l’accès à une greffe de moelle osseuse.
Des regards croisés pour mieux comprendre les enjeux de la MRD
La table ronde était présidée par le Dr Pierre Démolis de l’EMA. Elle réunissait aussi le Pr Nicola Gökbuget, spécialiste allemand de la leucémie aiguë lymphoblastique, et Anna Smit, chercheuse néerlandaise qui a présenté les premiers résultats d’une enquête sur l’utilisation de la MRD dans le myélome multiple.
Anne-Pierre, quant à elle, a partagé son expérience en tant que patiente greffée et son engagement dans deux associations : EGMOS et l’Association Laurette Fugain (membre du réseau européen Acute Leukemia Advocates Networ, ALAN).
Ce qui ressort de cette discussion ? Que la MRD est un sujet complexe, avec des défis d’intégration dans les pratiques médicales et les cadres réglementaires. Et surtout, que malgré cette complexité, l’expérience des patients a toute sa place dans ces débats techniques et scientifiques afin de s’assurer que les innovations répondent bien aux besoins réels des personnes concernées.
Pourquoi c’est important pour les patients
Anne-Pierre a expliqué que pour beaucoup de personnes atteintes de leucémie aiguë, la MRD est vue comme un indicateur essentiel : elle peut prédire une rémission, un risque de rechute, ou encore l’accès à une greffe. Mais elle a aussi souligné que la connaissance de la MRD varie énormément d’une maladie à l’autre. Dans certaines pathologies (comme la LAM, la LAL ou le myélome), elle est déjà utilisée pour adapter les traitements. Dans d’autres (comme les lymphomes ou la LLC), elle reste marginale, voire inconnue.
Pour les associations comme EGMOS, cela pose un vrai défi : comment bien informer les patients quand les usages de la MRD sont si différents selon les maladies ?
Une proposition concrète pour accélérer l’accès aux traitements
Autre point important de l’intervention d’Anne-Pierre : le lien entre MRD et accès aux nouveaux traitements. Aujourd’hui, les agences de santé exigent souvent de longues études sur la « survie globale » pour valider un médicament. Cela peut retarder considérablement l’arrivée de nouvelles thérapies, surtout pour les maladies graves où chaque mois compte.
Avec d’autres intervenants, Anne-Pierre a défendu l’idée que la MRD pourrait être utilisée non pas comme un « critère de substitution » à la survie globale, mais comme un indicateur de réponse. En clair : un signal précoce que le traitement agit. Cela permettrait de gagner du temps, sans sacrifier la rigueur scientifique, car la validation de critères dits de substitution est une démarche méthodologique longue et complexe.
Une discussion relayée au-delà du congrès
Les échanges de cette table ronde ont été repris dans un article publié sur Medscape, rédigé par la journaliste Cristina Ferrario, sous le titre « « MRD: A Shared Compass for Patients, Clinicians, and Regulators » (en français : MRD : une boussole partagée pour les patients, les cliniciens et les régulateurs »).
L’article revient sur les principaux messages de la session : les points de vue complémentaires exprimés sur l’utilisation actuelle de la MRD, les défis que pose sa validation comme critère réglementaire, et l’importance d’intégrer l’expérience des patients dans les discussions à venir sur ce marqueur de réponse.
Un pas de plus pour EGMOS et les patients greffés
Cette prise de parole montre à quel point les patients greffés et les associations comme EGMOS ont un rôle essentiel à jouer dans les grands débats de santé. Merci à Anne-Pierre d’avoir porté nos voix avec clarté et engagement !
Glossaire
Agence européenne des médicaments (EMA)
European Hematology Association (EHA)
Leucémie aiguë lymphoblastique (LAL)
Leucémie aigüe myéloblastique (LAM)
Leucémie lymphoïde chronique (LLC)
Maladie Résiduelle Mesurable / Measurable Residual Disease (MRD)